Circulaire
du 21 février 2006
Date
d'application : immédiate
Le
Ministre d'Etat, Ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire,
Le
garde des sceaux. Ministre de la justice
à
1. Pour attribution
Madame
et Messieurs les Préfets de région
Mesdames et Messieurs les
Préfets de département
Monsieur
le Préfet de Police
Mesdames
et Messieurs les procureurs généraux
près
les cours d'appel
Mesdames
et Messieurs les procureurs de la République
près
les tribunaux de grande instance
2. Pour information
Mesdames
et Messieurs les premiers présidents
des
cours d'appel
Mesdames
et Messieurs les présidents
des
tribunaux de grande instance
CIRCULAIRE : N°
OBJET
: Conditions de
l'interpellation d'un étranger en situation irrégulière, garde à vue de
l'étranger en situation irrégulière, réponses pénales.
Cette circulaire abroge et remplace la
circulaire n° NOR/MDS/D/8 7/00101/C du 13 avril 1987 relative au contrôle des
conditions de séjour des étrangers hébergés dans des foyers de travailleurs.
REFERENCES
:
-
Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
-
Code pénal,
-
Code de procédure pénale (notamment les articles 78-1 à 78-2-4),
-
Circulaire NOR/INT7D/03/00007/C du 21 janvier 2003 relative à l'amélioration de
l'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière,
-
Circulaire NOR/INT/040006/L du 20 janvier 2003 relative à l'application de la
loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration,
au séjour des étrangers en France et à la nationalité,
-
Circulaire n°92/37
du14 décembre 1992 relative au suivi des décisions de refus de séjour prises à
l'encontre des étrangers hébergés dans les centres d'accueil pour demandeurs
d'asile
- Circulaire n°NOR/MDS/D/87/00101/C du13 avril 1987 relative au
contrôle des conditions de séjour des étrangers hébergés dans des foyers de
travailleurs.
Résumé :
La lutte
contre le séjour irrégulier est un champ de compétences partagé entre les
parquets et les préfets. En effet, l'étranger qui se maintient en séjour
irrégulier commet un délit qu 'il appartient aux parquets de constater et de
sanctionner pénalement, tandis qu 'il incombe aux préfets de faire cesser
l'infraction par le prononcé d'un arrêté de reconduite à la frontière.
L'interpellation
de l'étranger en situation irrégulière constitue la première étape de toute
procédure de sanction du séjour irrégulier et sa régularité conditionne la mise
en œuvre jusqu 'à son terme de la reconduite à la frontière.
L'objet de la
présente circulaire est donc, d'une part d'inviter les parquets à investir
pleinement ce champ d'action partagé et de définir certaines orientations de la
réponse pénale, d'autre part de rappeler aux préfets la nécessité du prononcé
de l'arrêté de reconduite à la frontière en précisant certaines règles de
procédure notamment dans les circonstances spécifiques de l'interpellation à
domicile et au guichet des préfectures.
Introduction............................................................................................……………….….
3
I - Le choix d'un cadre
procédural adapté..............................................................…… 5
A/Les
interpellations......................................................................................……...
5
1.1- Les interpellations sur la voie
publique..............................................…… 5
1.2- Les interpellations au guichet d'une
préfecture...........................:........,…. 5
1.3- Les interpellations au domicile de la personne
..........................::.......….. 6
a) La notion de domicile et la protection juridique
qui s'y attache ..............…. 6
b) La pénétration des enquêteurs dans le
domicile.......................................…. 7
1.4- Les interpellations dans un logement- foyer et
un centre d'hébergement
ou à proximité d'un tel
établissement..............................................................… 9
1.5- Coordination avec une procédure judiciaire
préalable à une expulsion
locative.………………………………………………………………………. 10
B/Le recours aux
dispositions de l'article 78 du CPP ................................................…
12
C/ La garde à vue
...........................................................................................................…
12
II - La réponse pénale
........................................................................................................
13
A/Les infractions à la
législation sur les étrangers, infractions principales.............…. 13
1.1- L'entrée et le séjour
irrégulier................................................................................
13
1.2- Les obstacles aux procédures administratives et
judiciaires.......................14
B/ Les infractions à la
législation sur les étrangers, infractions connexes ................…. 14
Introduction :
La
maîtrise des flux migratoires et la lutte contre l'immigration irrégulière sont
des priorités de la politique du gouvernement.
L'importante
réforme législative et réglementaire entrée en vigueur depuis l'adoption de la
loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de
l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, ne peut
trouver une pleine application et une réelle efficacité que si l'ensemble des
acteurs chargés de sa mise en œuvre se mobilisent pour œuvrer conjointement à
la réalisation des objectifs communs ainsi définis.
Sous
l'autorité du Premier ministre ou, par délégation, du ministre de l'intérieur,
un Comité interministériel de contrôle de l'immigration, assisté d'un
secrétaire général et d'un comité des directeurs des administrations centrales
concernées, a été créé par le décret n° 2005-544 du 26 mai
2005.
Le
ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a
de plus créé une police de l'immigration structurée aux niveaux national et
local, ainsi que l'Unité de coordination opérationnelle de la lutte contre
l'immigration irrégulière (UCOLII).
Mais
au delà du rôle dévolu à ces nouvelles structures de coordination, il convient
de rappeler que, dans leurs champs de compétences respectifs, l'implication,
d'une part, des parquets dans leur mission de direction de la police judiciaire
et, d'autre part, des services placés sous l'autorité du ministre de
l'intérieur et de l'aménagement du territoire (services des étrangers des
préfectures et forces de police et de gendarmerie) demeure déterminante pour la
réalisation de la politique gouvernementale.
Le
séjour irrégulier est un délit prévu et réprimé par l'article L. 621-1 du code
de l'entrée et du séjour des étrangers et du. droit d'asile dont la
constatation et la poursuite relèvent de la compétence des parquets. .11
incombe par ailleurs au préfet de faire cesser l'infraction de séjour
irrégulier par le prononcé d'un arrêté de reconduite à la frontière.
L'interpellation
de l'étranger en situation irrégulière est l'étape première et fondamentale de
la procédure conduisant à l'éloignement effectif du territoire français. En
effet, la régularité de cette interpellation, dont l'appréciation relève de
l'autorité judiciaire, va conditionner la mise en œuvre jusqu'à son terme
de la procédure d'éloignement. Une irrégularité dans l'interpellation est en
effet de nature à justifier l'annulation du placement en rétention par le juge
des libertés et de la détention .et par suite la remise en liberté et l'échec
de la procédure d'éloignement[1].
Dans
certaines circonstances, l'interpellation est source de difficultés
procédurales et de risques contentieux particuliers pour les services des
étrangers des préfectures. Cette complexité conduit à une certaine réticence de
ces services à engager ces procédures, au profit de la notification par voie
postale des arrêtés de reconduite à la frontière dont la. pratique se traduit
notoirement par une perte d'effectivité.
Il
est demandé aux prefets et aux procureurs de procéder ou de faire procéder
chaque fois que nécessaire aux interpellations aux guichets de la préfecture,
au domicile ou dans les logements, foyers et les centres d’hébergement dans le
respect des exigences procédurales qui en garantiront la régularité. La mise en
œuvre de ce type d’interpellation conditionne souvent, en effet, l’effectivité
de la mesure de reconduite à la frontière et, partant, la crédibilité de la
lutte contre l’immigration irrégulière.
La
lutte contre l'immigration irrégulière constitue donc bien une dimension de la
politique pénale. Les parquets doivent jouer pleinement leur rôle dans la
définition et la réalisation des actions menées localement. Ils le feront dans
le cadre des « pôles d'éloignement » (ou dans des structures partenariales
similaires) mis en place dans la quasi-totalité des préfectures.
Les
parquets devront y participer, afin de concourir à la détermination des
personnes ciblées en priorité par les procédures d'éloignement, notamment
lorsque la procédure administrative ne sera mise en œuvre qu'à l'issue d'une
procédure judiciaire permettant le recours à la coercition et à la garde à vue,
ou qu'il aura été fait application des dispositions de l'article 78-2,
alinéa 2, du code de procédure pénale (CPP) pour organiser des opérations
de contrôles ciblées, par exemple à proximité des logements foyers et des
centres d'hébergement ou dans des quartiers connus pour abriter des personnes
en situation irrégulière.
D'une
manière générale, les procureurs de la République participeront le plus
activement et le plus en amont possible à la définition et à l'organisation des
actions opérationnelles destinées à interpeller les personnes se trouvant en
situation irrégulière.
La
présente circulaire a donc pour but :
- d'une part, d'inciter les préfectures à faire
procéder systématiquement à l'interpellation des étrangers en situation
irrégulière en rappelant certaines conditions de légalité de la procédure dans
des circonstances spécifiques. La connaissance de ces principes est
indispensable pour la défense des intérêts de l'Etat.
- d'autre part, d'inviter les; parquets à investir
pleinement ce champ de compétence partagé qu'est la lutte contre l'immigration
irrégulière et de définir les principales orientations de la réponse pénale.
I.
Le choix d'un cadre
procédural adapté.
Quatre
hypothèses peuvent être envisagées :
1.1-Les interpellations sur la voie publique
Ce
sont celles qui présentent le moins de difficulté. En dehors des cas ordinaires
de contrôle d'identité énoncés par l'article 78 du code de procédure pénale,
elles pourront intervenir à l'issue d'un contrôle diligente en application des
dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des
étrangers en France et du droit d'asile[2].
Dans
ce cas, les officiers de police judiciaire (OPJ) devront garder à l'esprit que
l'appréciation de la qualité d'étranger d'une personne doit être fondée sur des
éléments objectifs, déduits des circonstances et extérieurs à la personne même
de l'intéressé.
La
jurisprudence de la Cour de cassation exige que les contrôles visant les
étrangers soient justifiés par des « signes objectifs d'extranéité » (Crim.
25 avril 1985 ; D 1985,jurisprudence p. 329). Elle a ainsi considéré
que l'usage d'une langue étrangère ne constituait pas un critère objectif
justifiant un contrôle de titre de séjour (Civ. 14 déc. 2000
req. n° 99-20089).
Au
contraire, est licite le contrôle d'identité d'étrangers occupant sans titre un
bâtiment, en l'espèce une église, et revendiquant publiquement l'irrégularité
de leur situation administrative (Civ. 2e, 12 nov. 1997 ; bull.
civ. II, n° 269). Plus récemment et dans la même ligne ont été jugés
licites, ne constituant pas un contrôle sélectif discriminatoire au seul regard
de l'apparence physique des personnes interpellées, les contrôles effectués à
l'intérieur d'un square où s'étaient enfermées 150 à 200 personnes
sans papiers lesquelles avaient cadenassé les grilles du square et apposé sur
celles-ci de nombreuses banderoles. Est également licite le contrôle d'un
étranger à l'extérieur du square alors qu'il s'apprêtait à y entrer pour y
rejoindre les manifestants (Civ. 2e, 14 juin 2005 ;
req. n° 04-50068).
1.2- Les interpellations au guichet d'une préfecture
Les
services des préfectures sont régulièrement confrontés à la question de la
conduite à tenir à l'égard d'un étranger qui se présente « au guichet » pour
former une nouvelle demande de titre de séjour, alors qu'un refus de séjour
voire un arrêté de reconduite à la frontière lui a d'ores et déjà été notifié.
L'hypothèse
de la présentation spontanée de l'intéressé aux guichets de la préfecture ne
soulève pas de difficultés particulières.
On
rappellera que le dépôt d'une nouvelle demande d'admission au séjour ne fait
pas obstacle à la prise d'un arrêté de reconduite à la frontière et à son
exécution si les conditions légales prévues par l'article L. 511-1 du code
de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont réalisées.
Des
difficultés contentieuses peuvent en revanche survenir lorsque la préfecture
convoque l'intéressé.
La
position de la Cour de cassation s'est fixée par un arrêt du 12 novembre 1997
(Civ. 2e, 12 nov. 1997 req. n° 96-50091) dans une affaire où le requérant
arguait d'une violation de l'article 5 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), relatif
au droit à la liberté et à la sûreté. La Cour de cassation a validé la
procédure d'interpellation d'une personne qui s'était présentée à une
convocation délivrée par la préfecture pour procéder à l'examen de sa situation
et ce, aux motifs que l'intéressé « qui
s'était présenté volontairement à la préfecture pour l'examen de sa situation
au regard d'un arrêté de reconduite à la frontière dont il savait qu'il était
définitif, n'avait pas été victime d'un « piège », le motif de la
convocation lui ayant été indiqué avec la précision qu 'il devait présenter son
passeport [et alors] que la décision de rétention notifiée à 13 heures 30 avait
été prise dans un délai raisonnable compte tenu du temps nécessaire pour
examiner la situation de l'intéressé [qui s'était présenté à 10 heures] ».
Cet
arrêt de principe traduit une évidence et trois séries d'obligations.
En
premier lieu, ce n'est pas le lieu d'interpellation qui pose une difficulté.
Par
ailleurs, par cet arrêt, la cour de cassation a rappelé trois
obligations :
-
l'obligation de principe pour l'étranger de se présenter personnellement aux
guichets de la préfecture pour examen de sa situation administrative, soit
qu'il ait formulé une nouvelle demande, soit qu'il y ait été convoqué par-le
préfet.
-
l'obligation pour le préfet de se montrer loyal en convoquant l'étranger. Les
préfets veilleront à proscrire des motifs de convocation ambigus évoquant une
régularisation de situation administrative.
-
l'obligation pesant encore sur l'administration de procéder à un examen
effectif de situation dont la réalité puisse être clairement démontrée,
notamment par la durée de l'entretien avec l'étranger.
Ces
principes ont été confirmés par la Cour européenne des droits de l'Homme dans
l'affaire CONKA c/Belgique (arrêt du 5 février 2002,
req. n° 51564/99).
1.3- Les interpellations au domicile de la personne
1.3.1 La notion de domicile et la protection
juridique qui s'y attache
La
jurisprudence judiciaire retient une définition particulièrement large de la
notion de domicile.
Constitue
en effet un domicile au sens du code pénal, « non seulement le lieu où une
personne a son principal établissement, mais encore le lieu où, qu 'elle y
habite ou non, elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre
juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux»
(Crim. 22 janv. 1997, bull crim n°31).
La
notion de domicile et la protection qui s'y attache ne coïncident pas
nécessairement avec la distinction entre lieux privés et lieux publics.
Ainsi,
si les services de police et les unités de gendarmerie ont libre accès aux
établissements ouverts au public tels qu'un hôpital ou un centre d'accueil pour
toxicomanes par exemple, il faut distinguer dans ces établissements :
- les espaces publics, comme les halls d'accueil ou
les salles d'attente où des contrôles voire des interpellations peuvent être
effectués,
- les espaces privés que constituent les chambres de patients et
les bureaux individuels du personnel qui doivent être considérés comme des
domiciles.
La
distinction reste cependant subtile. Ont été considérés comme des domiciles par
la jurisprudence : un bureau (Crim. 24 juin 1987 Bull. crim. n° 267), un yacht
de plaisance, un voilier de haute mer ou une péniche (comprendre : un navire
habitable) (Crim. 20 nov. 1984 Bull. crim. n° 355).
A
contrario, ont été considérés comme ne constituant pas un domicile : un
véhicule automobile (Crim. 11 sept. 1933), le siège d'une association (Crim. 27
sept. 1984), la cour d'un immeuble « lorsqu'elle n'est pas close »
(Crim 26 sept. 1990), un atelier artisanal et industriel
(Crim. 17 oct. 1995), un local réservé à la vente
(Crim. 4 mai 1994), un logement détruit par un incendie (Crim. 31 mai
1994). S'agissant d'un bloc opératoire, la Cour de cassation a refusé de
considérer l'existence d'une violation de domicile, le bloc n'étant pas
assimilable à un domicile privé, bien que son accès en soit limité
(Crim. 27 nov. 1996 Bull. crim. n° 431).
1.3.2
La pénétration des enquêteurs dans le domicile
1.3.2.1 Dans le cadre d'une enquête préliminaire ou afin de
procéder à la notification d'une
invitation à quitter le territoire français ou d'un arrêté de reconduite à la
frontière :
Cette procédure est exclusive de toute coercition (à
l'exception des cas particuliers des perquisitions autorisées en préliminaire
par un juge des libertés et de la détention après réquisitions du parquet[3]).
1.3.2.1.1 Si la
personne refuse d'ouvrir sa porte :
La procédure au domicile prend fin. Les enquêteurs
ne doivent pas glisser la décision préfectorale d'invitation à quitter le
territoire dans la boîte à lettres de l'intéressé, voire sous sa porte, puisque
les règles de la notification postale ne s'appliqueront pas.
1.3.2.1.2 Si une
personne accepte d'ouvrir la porte, deux
cas sont à distinguer :
a) Cette personne n'est pas, à l'évidence, la
personne recherchée :
Les enquêteurs ne peuvent pas procéder au contrôle
de son identité.
Dans le cadre d'une enquête préliminaire, la
personne peut être entendue comme témoin.
S'agissant d'une éventuelle perquisition destinée à
découvrir la personne recherchée :
- dans le cadre d'une enquête préliminaire, les
enquêteurs peuvent y procéder avec l'accord de la personne qui leur a ouvert la
porte si le domicile est bien le sien.
- dans le cadre d'une procédure de notification
d'une décision préfectorale ou si la personne qui reçoit les enquêteurs n'est
pas chez elle, aucune perquisition ne peut être menée à bien.
La procédure de notification doit en conséquence
être réitérée éventuellement sur d'autres bases juridiques. Il est constant que
la notification ne peut en aucun être faite à un tiers quand bien même il
s'agirait du conjoint de l'intéressé ou d'un parent.
b) Cette personne est susceptible d'être celle
concernée par la décision à notifier :
Les enquêteurs peuvent procéder au contrôle de son
identité sur le fondement de l'article 78-2, alinéa 1er, du CPP, la
décision préfectorale d'invitation à quitter le territoire français ou de
reconduite à la frontière permettant de considérer que l'on est devant une
personne pour laquelle il existe une raison plausible de soupçonner qu'elle est
en train de commettre l'infraction de séjour irrégulier. 3 hypothèses peuvent
se présenter :
- la personne justifie de son identité et il s'avère
qu'il s'agit bien de la personne recherchée par les enquêteurs : ceux-ci
peuvent alors procéder à la notification de la décision ou effectuer les actes
utiles à leur enquête.
- la personne justifie de son identité et il s'avère
qu'il s'agit d'un tiers : les règles applicables sont identiques à celles
énoncées ci-dessus au paragraphe a).
- la personne ne peut justifier de son identité ou
refuse de le faire : une procédure de placement en garde à vue peut être mise
en œuvre sur la base de l'article 63 du code de procédure pénale, la
décision préfectorale permettant là encore de considérer que l'on est en
présence d'une personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons
plausibles de soupçonner qu'elle est en train de commettre l'infraction de
séjour irrégulier. Le cadre de la flagrance autorise en outre qu'une
perquisition domiciliaire soit réalisée.
c) S'agissant des tiers éventuellement présents dans
le domicile, il conviendra de se référer aux instructions figurant
au § a.
1.3.2.2 Dans le cadre d'une enquête de flagrance, la coercition est
possible.
Le
caractère continu de l'infraction de séjour irrégulier sur le territoire
national ne dispense aucunement les enquêteurs de caractériser, avant de
recourir aux pouvoirs de l'enquête de flagrance, l'existence d'indices
apparents révélant ladite infraction. Il convient d'être vigilant sur la
mention de ces indices dans le procès verbal dressé au terme de la procédure.
La
Cour de cassation a jugé que des policiers agissant à la demande d'un maire
pour procéder à l'évacuation d'une église occupée par plusieurs étrangers
revendiquant leur situation irrégulière procèdent régulièrement au contrôle
d'identité et à l'interpellation, selon la procédure de flagrance, des
étrangers occupants du lieu (Civ 2e, 25 nov. 1999, req. n° 98-50016).
Certes,
il ne s'agit pas là d'interpellation au domicile mais la Cour de cassation suit
le même raisonnement en considérant que, saisi de réquisitions du procureur aux
fins d'interpellation et de placement en garde à vue pour des faits de séjour
irrégulier, un officier de police judiciaire, constatant la présence physique
de l'intéressé à son domicile, était bien en possession d'indices apparents
révélant la commission du délit de séjour irrégulier justifiant
l'interpellation au domicile dans un cadre de flagrance
(Crim. 31 janv. 2001).
1.3.2.3 Dans le cadre d'une
commission rogatoire, l'interpellation à domicile et la perquisition des lieux
sont autorisées, dans les strictes limites de l'information judiciaire.
En cas de découverte d'une infraction qui n'est pas
visée par l'information judiciaire, les enquêteurs doivent procéder à
l'ouverture d'une enquête incidente, en la forme flagrante ou préliminaire
selon les circonstances.
1.4- Les
interpellations dans un logement-foyer, un centre d'hébergement ou à proximité
d'un tel établissement
Les
ressortissants étrangers peuvent être logés ou hébergés dans des structures
juridiquement
différentes telles que les logements-foyers (particulièrement les foyers de
travailleurs
migrants et les résidences sociales) régis par l'article L. 633-1 du code
de la construction et de l’habitation et des centres d’hébergement, notamment
les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHSR) et les centres
d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA). Ces différences de statut sont
sans incidence au regard de l'application des règles de procédure pénale
relatives à l'interpellation. Par simplicité, l'ensemble de ces établissements
sera désigné par le terme « local » dans les développements ci-dessous.
1.4.1- A proximité du local.
Il s'agit d'un contrôle sur la voie publique de droit commun selon les
principes rappelés au § A, 1-1. La régularité du séjour des
personnes entrant et sortant du local peut être contrôlée en dehors de tout
contrôle d'identité sur le fondement du premier alinéa de
l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et
du droit d'asile ou dans le cadre des contrôles d'identité effectués dans les
conditions prévues par les articles 78-1, 78-2 et 78-2-1 du CPP.
1.4.2- A l'intérieur du local.
1.4.2.1- Il est demandé aux préfets
d’inviter les gestionnaires des locaux à une vigilance toute particulière,
notamment au regard des responsabilités qui leur incombent en matière de
sécurité, envers les risques spécifiques liés à la présence de suroccupants ou
d’« activités informelles » dont certaines peuvent être illégales ou
dangereuses.
Les
gestionnaires des locaux peuvent et dans certains cas doivent solliciter
l’intervention des forces de police et de gendarmerie.
1.4.2.2- Les possibilités
d’intervention des forces de police sont déterminées par l’étendue de la
protection au titre du domicile.
- Les parties privatives (chambres et
appartements) :
De tels lieux, qui sont par nature habitables, sont
des espaces où les occupants « ont le droit de se dire chez eux », et
la protection juridique du domicile s'applique en conséquence.
A défaut de jurisprudence précise, on pourra se
référer, par analogie, à la décision de la Cour de cassation considérant qu'une
chambre d'hôtel est constitutive d'un domicile (Crim., 31 janv. 1914,
DP 1918. 1. 76).
- Les espaces collectifs :
Dans ces espaces, c'est le gestionnaire du local qui
« a le droit de se dire chez lui ».
Hors des cas de flagrance ou de commission
rogatoire, c’est donc avec son assentiment exprès que des opérations de
contrôle peuvent être menées à bien.
La notion même « d'assentiment exprès »
visée par l'article 76 du code de procédure pénale implique bien que
l'autorisation de perquisition donnée aux enquêteurs est réitérée à chaque
reprise. Cette exigence découle de ce que les enquêtes préliminaires dans le
cadre desquelles ces opérations sont menées à bien sont toutes autonomes et
indépendantes les unes des autres, de sorte qu'une autorisation délivrée à
l'occasion d'une enquête ne saurait valoir pour l'exécution des enquêtes
suivantes.
La jurisprudence de la Cour de cassation précise
d'ailleurs ce qu'il convient d'entendre par « assentiment exprès » en affirmant
que « si le texte constatant l'assentiment exprès (...) à une perquisition
n'est que partiellement écrit à la main, la nature des passages manuscrits -
nom, prénom, domicile, date, heure, mention ‘lu et approuvée’ précédant la
signature - met la Cour de cassation en mesure de s'assurer qu'il a été
satisfait aux exigences de l'article 76 » (Crim. 28 janv.
1987 Bull. crim. n° 48).
Cette décision démontre bien que la Cour de
cassation exige du juge judiciaire qu'il s'assure de l'existence d'un
consentement délivré au cas par cas et concomitamment à la réalisation de la
perquisition ainsi que le démontre la mention de l'heure.
S'il est couramment fait usage de modèle type
d'assentiment dont un exemplaire est complétée chaque nouvelle perquisition, il
ne saurait être question d'une autorisation permanente, donnée aux services de
police ou des unités de gendarmerie territorialement compétents .par le
gestionnaire d'un local d'accueil des ressortissants étrangers.
Cet assentiment doit donc être réitéré à chaque
reprise et figurer en procédure. Il ne peut être question d'une autorisation
permanente donnée aux services de police ou aux unités de gendarmerie.
1.5-
Coordination avec une procédure judiciaire préalable à une expulsion locative
Deux
opérations de police, l'une de nature judiciaire préalable à l'expulsion
locative, l'autre de nature administrative relative au contrôle des occupants
des locaux au titre de la législation sur le séjour des étrangers, peuvent se
poursuivre parallèlement.
Cette
situation se présente dans 1'hypothèse de l'occupation d'un local privé sans droit
ni titre (les « squats ») ou, par exemple, en cas de sur-occupation
d'un logement-foyer ou d'un centre d'hébergement.
Le
propriétaire dû local où le gestionnaire peut souhaiter faire procéder à un
contrôle d'huissier avec le soutien des forces de l'ordre afin, notamment, de
constater les conditions d'occupation et d'utilisation des locaux et de relever
les identités des occupants.
Dans
ce cas de figure, les contrôles opérés par les services de police ou les unités
de gendarmerie obéiront aux règles exposées ci-dessus au § 1-4 et
varieront donc selon que ces contrôles seront réalisés à proximité du local,
dans le cadre de la flagrance ou d’une commission rogatoire ou dans un autre
cadre.
La
Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la validité de contrôles
d'identités de police judiciaire qui avaient été effectués, aux abords d'un
foyer, parallèlement à l'opération de police administrative d'assistance aux
huissiers de justice.
Alors
que le requérant avait conclu à la nullité de la procédure en arguant notamment
qu'il avait existé une « unité de dessein et d'exécution » entre les
missions de police administrative et judiciaire, constitutive d'un détournement
de procédure, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et confirmé ainsi la validité
du contrôle-de police judiciaire aux motifs « que le président du tribunal de grande instance (...) [avait], par
ordonnance, autorisé deux huissiers de justice à se rendre au foyer de cette
institution (...) aux fins de constater les conditions d'occupation et
d'utilisation actuelles du foyer et de relever les identités des occupants spécialement
les tiers occupants étrangers qui ne figureraient pas sur le registre du
foyer ; que ces opérations [avaient] conduit les huissiers de justice à inviter
les personnes en situation irrégulière à quitter les lieux; que ces dernières
[avaient] alors fait l'objet, de la part d'officiers de police judiciaire, de
contrôles d'identité justifiés notamment par une procédure en cours relative à
un trafic défausses cartes de séjour à l'intérieur du foyer (...) que dès lors
[c'était] à la suite d'un contrôle d'identité effectué en conformité aux
prescriptions des articles 78-1 et suivants du Code de procédure pénale qu1
[avaient] été établis les procès-verbaux constatant l'existence à 'un délit
flagrant (...) »
(Cass. Crim. 4 nov. 1992).
Afin
de se prononcer sur la validité de l'opération de police judiciaire - les
contrôles d'identité -, la Cour de cassation effectue une distinction entre
celle-ci et l'opération de police administrative -1'assistance apportée aux
huissiers de justice.
La
circonstance que ces deux opérations aient été menées, à dessein, de manière
conjointe ne constitue pas, selon la Cour de cassation, une cause de nullité de
l'opération de police judiciaire dès lors que celle-ci satisfait aux exigences
du Code de procédure pénale.
Il
est donc tout à fait possible d'organiser une opération de contrôle d'identité,
parallèlement à une opération de police administrative attachée à l'exécution
d'une procédure d'expulsion locative.
Dans
pareil cas, l'opération de contrôle d'identité doit satisfaire aux exigences du
code de procédure pénale et disposer d'un cadre juridique autonome, distinct de
l'opération de police administrative menée en parallèle.
Ce
cadre juridique peut être une enquête préliminaire ou de flagrance, l'exécution
d'une commission rogatoire ou encore des réquisitions délivrées par le
procureur de la République.
Hors
un cas de flagrance qui contraindrait les policiers ou les gendarmes
participant à l'opération de police administrative à effectuer en urgence un
contrôle d'identité, il paraît souhaitable de confier l'exécution des contrôles
d'identité planifiés à l'avance à des OPJ ou à des APJ ne participant pas à
l'opération liée à la procédure d'expulsion et ce afin d’éviter une possible
confusion.
Les
dispositions de l'article 78 du CPP[4]
prévoient la possibilité d'autoriser le recours à la coercition pour obtenir la
comparution d'une personne ne déférant pas à la convocation d'un OPJ ou étant
susceptible de ne pas déférer à cette convocation. L'application de cet article
à l'encontre d'une personne en situation irrégulière, alors même que le parquet
n'aurait pas l'intention de donner une suite à la procédure, a parfois donné
lieu à des hésitations, en ce que la coercition judiciaire n'aurait alors pour
objet que de faciliter le bon déroulement d'une procédure administrative
d'éloignement du territoire.
Pourtant,
le recours à ces dispositions du code de procédure pénale afin de permettre
l'interpellation d'une personne se soustrayant à la décision administrative,
est tout à fait légitime.
En
effet, au moment de sa mise en œuvre, le recours à l'article 78 du CPP est
parfaitement justifié par l'existence d'une infraction pénale - le séjour
irrégulier - et est destiné à constituer le point de départ d'une procédure
judiciaire dont il n'est pas possible de présupposer l'orientation finale -
poursuites devant une juridiction de jugement ou classement sans suite ‘au
profit’ de la procédure administrative.
La
procédure judiciaire doit en revanche se fonder, au moins en partie, sur les
déclarations de l'intéressé.
On
ajoutera que la procédure ne serait en rien déloyale, dans la mesure où la
procédure administrative d'éloignement du territoire national ne serait mise en
œuvre qu'en alternative aux poursuites pénales relatives à l'infraction de
séjour irrégulier.
Pour
les mêmes raisons, il est parfaitement licite, pour un OPJ dont c'est le pouvoir
propre, de placer en garde à vue une personne se trouvant en situation
irrégulière quand bien même cette mesure déboucherait sur un classement sans
suite de la procédure, pour laisser prospérer la seule procédure administrative
d'éloignement du territoire.
Une
question souvent problématique dans la pratique est celle de la durée de la
garde à vue dans une telle hypothèse, alors même que les investigations
strictement judiciaires à réaliser en matière d’infractions à la législation
sur les étrangers prévues au titre du livre du code de l’entrée et
du séjour des étrangers sont souvent limitées et se résument, pour l’essentiel,
à la parfaite identification de la personne ainsi qu'au recueil de ses
déclarations.
Dans
un important arrêt rendu le 7 juillet 2000, la chambre mixte de la
Cour de cassation a estimé, s'agissant d'un étranger qui avait été maintenu en
garde à vue pendant près de vingt-quatre heures en étant simplement entendu une
fois au début de la mesure, sans qu'aucun autre acte n'ait été effectué et pour
faire ensuite l'objet d'une rétention administrative en vue d'une reconduite à
la frontière, que cette garde à vue était régulière dès lors que cette mesure «
n'avait pas dépassé le délai légal de vingt-quatre heures » (Cass. Ch. Mixte, 7 juillet
2000, Bull. crim n° 257).
Il
résulte de cette jurisprudence que le risque d'annulation de la procédure
serait particulièrement élevé dans le cas d'une garde à vue dont la
prolongation aurait été fondée sur un motif « extérieur » aux nécessités de l'enquête
judiciaire et qui se serait traduit, en procédure, par la seule réalisation
d'une nouvelle audition de l'intéressé.
Il
est donc demandé aux magistrats du parquet d'être particulièrement vigilants
sur cette question et d'appeler l'attention de l'autorité administrative sur la
nécessité de mettre en état la procédure d'éloignement au cours des 24
premières heures de garde à vue.
Les
procureurs de la République devront en outre adresser des instructions aux
services enquêteurs afin que le Fichier Automatisé des Empreintes Digitales
soit systématiquement consulté et alimenté à l'occasion du placement en garde à
vue d'une personnes susceptible de se trouver en situation irrégulière et ce,
afin d'identifier d'éventuels alias.
Le
traitement judiciaire des infractions à la législation sur les étrangers
prévues au chapitre 1er du titre 2 du livre – du code
de l’entrée et du séjour des étrangers doit, compte tenu de leur nombre, être
fondé sur une approche pragmatique. Il conviendra de distinguer selon que
l'I.L.E. constitue l'infraction principale reprochée à la personne ou
simplement un délit connexe.
1.1- L'entrée
et le séjour irréguliers
1.1.1 Afin d'éviter un encombrement des juridictions qui n'améliorerait
pas pour autant l'exécution des décisions de reconduite à la frontière, il est
recommandé de n'exercer l'action publique pour entrée et séjour irréguliers
qu'envers les étrangers ayant aussi commis une autre infraction de nature
correctionnelle ou criminelle justifiant l'engagement de poursuites ou à
l'encontre de ceux faisant l'objet de recherches judiciaires ou de convocations
en justice pour autres causes.
Le recours à des poursuites peut aussi être envisagé
lorsqu'il est établi que la personne d'origine étrangère a pénétré sur le
territoire national après avoir fait l'objet d'une procédure administrative de
reconduite à la frontière ou lorsqu'elle possède des antécédents pénaux.
Hors de ces cas, il est recommandé de classer la
procédure au visa du motif ’61’, « autres poursuites ou sanctions de
nature non pénale ».
1.1.2 Lorsque des poursuites sont exercées, le recours à la comparution
immédiate paraît s'imposer du fait des faibles garanties de représentation.
Pour ces mêmes raisons, des réquisitions de mandat
de dépôt doivent être prises lorsque l'examen de l'affaire est renvoyé à une
audience ultérieure.
Au fond,
il convient de requérir, lorsque la gravité des infractions connexes n’y fait
pas obstacle et que l’étranger est en possession des documents nécessaires, le
prononcé d’une interdiction du territoire à titre de peine principale assortie
de l’exécution provisoire.
1.2- Les obstacles aux procédures
administratives et judiciaires
Sont visées
ici les infractions de soustraction à une mesure de refus d’entrée, sostraction
à une mesure d’expulsion ou de reconduite à la frontière, pénétration sur le
territoire malgré une mesure d’expulsion ou une interdiction, non-communication
de documents de voyages ou de renseignements permettant l’expulsion ou la
reconduite à la frontière, fourniture de renseignements inexacts dans le cadre
d’une procédure d’expulsion ou de reconduite à la frontière et soustraction à
une assignation à résidence.
Dans ces hypothèses,
il conviendra de privilégier la voie de comparution immédiate assortie de
réquisitions d’emprisonnement ferme ou, compte tenu de la faiblesse des
garanties de représentation, de placement en détention provisoire.
Les
parquets généraux veilleront à ce que les parquets fassent preuve de fermeté et
de célérité dans la mise en œuvre des poursuites.
Les
qualifications relatives à la législation sur les étrangers devront être
systématiquement visées lors des poursuites, de manière à faciliter les
procédures d’éloignement du territoire national et à alimenter le casier
judiciaire dans l’hypothèse d’une possible récidive.
Les
réquisitoires tendant au prononcé de la peine d’interdiction du territoire
français devront être envisagés au cas par cas afin de tenir compte du
caractère exceptionnel de cette peine.
D’ailleurs,
la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, si elle a
réaffirmé la légitimité et la pertinence de cette peine, en a restreint le
champ d’application de manière importante.
Vous
donnerez donc des instructions pour que les parquets requièrent cette peine
dans les affaires les plus emblématiques, à raison de la gravité particulière
des faits ou de la personnalité du mis en cause.
Ces
réquisitions devront notamment être prises à l’encontre des réitérants et des
récidivistes ainsi qu’envers les personnes ayant fait l’objet, par le passé, de
mesures administratives de reconduite à la frontière.
Vous
pourrez utilement vous référer à la circulaire n° CRIM.99.13/E1-17.11.1999
traitant de la politique pénale relative au prononcé et au relèvement des
peines d’interdiction du territoire français.
* * *
Pour
le……….. avril 2006, les préfets voudront bien faire parvenir à la
direction des libertés publiques et des affaires juridiques l’inventaire
départemental des logements-foyers (foyers de travailleurs migrants et
résidences sociales) et des centres d’hébergement et CADA.
Pour la
même date, les préfets et les procureurs de la République programmeront une
réunion avec les gestionnaires des logements-foyers et centres d’hébergement
identifiés préalablement et les différents services de l’Etat concernés parmi
lesquels, en tout état de cause, les responsables de la police et de la
gendarmerie nationale. Ils fixeront avec les gestionnaires et les services
concernés les modalités concrètes de mise en œuvre des orientations de cette
circulaire, y compris celles relatives à la suppression des « activités
informelles » (le cas des cuisines collectives étant nécessairement
dissocié).
Pour
le 31 décembre 2006, ils adresseront, par la voie hiérarchique et
sous le double timbre de la direction des libertés publiques et des affaires
juridiques et de la direction des affaires criminelles et des grâces, un bilan
des opérations réalisées en application de la présente circulaire.
Vous
voudrez bien informer les ministères concernés de toutes les difficultés que
vous rencontreriez pour la mise en œuvre de ces instructions, en adressant vos
rapports sous le timbre du bureau du droit et des procédures d’éloignement à la
direction des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de
l’intérieur et de l’aménagement du territoire et du bureau des politiques
pénales générales et de la protection des libertés individuelles à la direction
des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.
Annexe 1
Les
interpellations au guichet des préfectures
L'interpellation
au guichet d'une préfecture est légale pour autant qu'elle demeure
« loyale ».
Ce
n'est pas le lieu d'interpellation qui pose une difficulté mais la rédaction
des motifs de la convocation adressée à l'intéressé. Ce type d'interpellation
n'a donc pas vocation à demeurer exceptionnelle mais doit respecter quelques
règles bien comprises.
L'interpellation
d'un étranger en situation irrégulière au guichet d'une préfecture renvoie à
deux questions :
- la première question est de déterminer si la présentation d'une
nouvelle demande de régularisation faisant suite à un premier refus de séjour
régulièrement notifié fait obstacle à la prise et à l'exécution d'un APRF sur
le fondement de ce refus de séjour antérieur.
- la seconde question est celle de la régularité des
conditions de cette interpellation « au guichet », appréciée par le
juge judiciaire dans le cadre de la rétention administrative. La circulaire
conjointe rappelle les principes dégagées par la Cour de cassation dans un
arrêt de principe du 12 décembre 1997, n° 1200, pourvoi
n° 96-50091.
1. Sur la première question,
il est constant que le dépôt d'une nouvelle demande d'admission au séjour ne
fait pas obstacle à la prise d'un arrêté de reconduite à la frontière et à
l'engagement de son exécution si les conditions légales de la reconduite sont
réalisées.
Ce
principe s'applique à la situation d'un demandeur d'asile débouté de sa
première demande et qui, s'étant vu notifier un APRF sur le fondement d'un
refus de séjour pris sur la base de cette première décision de rejet de sa
demande d'asile, sollicite la réouverture de son dossier auprès de l'OFPRA.
L'exécution
effective de l'APRF est suspendue jusqu'à la notification de la décision de
rejet de la nouvelle demande d'asile ce qui ne fait pas obstacle au placement
en rétention.
2. Sur la question de la
« loyauté » de la convocation adressée à l'étranger, il importe de
respecter les principes dégagés par la Cour de cassation sans pour autant
comprendre cet arrêt comme comportant le « modèle » intangible d'une
convocation loyale.
Dans
l'arrêt de principe susvisé de 1997, la Cour de cassation s'est déterminée
sur la circonstance que l'intéressé faisait l'objet d'un APRF dont il
connaissait le caractère définitif,
que la convocation évoquait un examen de situation au regard de cet APRF en lui
précisant qu'il devait se munir de son passeport, surtout la notification de la
décision de placement en rétention était intervenue
dans un délai raisonnable compte tenu du temps nécessaire pour l'examen de
situation de l'intéressé. Celui-ci s'était présenté à 10h, heure de sa
convocation, la décision de rétention lui avait été notifiée à 13 h30.
Il importe de veiller à une
rédaction particulièrement sobre des convocations suivant les modèles
ci-joints.
Dans le cas de figure où un
étranger visé par un APRF exécutoire adresse par courrier une nouvelle demande
à l'administration, la convocation doit être brève et la plus simple possible.
L'APRF
étant notifié et exécutoire, l'intéressé doit être réputé présenter sa nouvelle
demande en toute connaissance de cause. Il n'est pas systématiquement utile de
rappeler l'existence de cet APRF ; certes la mention figurait dans l'espèce
jugée en 1997 par la Cour de cassation mais si cet arrêt pose le principe de la
légalité de l'interpellation sous réserve de sa loyauté, il ne doit pas être lu
comme imposant un modèle rigide de convocation.
Toutes
les indications relatives à l'éventualité d'un placement en rétention, tout
descriptif de la procédure sont à proscrire.
L'intéressé
se manifestant par courrier, l'administration lui repond en se référant à ses
lettres et en l'invitant à se présenter à une date donnée muni de ses documents
d'identité, de son passeport et de tout document utile pour examen. Le terme de
réexamen est à proscrire.
Il
est par ailleurs déterminant qu'un véritable examen de situation puisse être
démontré par la préfecture. Cet examen doit notamment avoir une durée
raisonnable attestant sa réalité.
* * *
Le
modèle suivant pourrait être suggéré dans les cas où l'intéressé a présenté une
nouvelle demande par courrier :
Convocation
M.....
J'accuse réception de vos lettres en date
du...
Je vous invite à vous présenter le .... à
l'adresse suivante muni de
- la présente convocation
- votre passeport et votre CNI
pour examen de votre demande
Dans
les affaires où l'intéressé visé par un APRF exécutoire ne s'est pas manifesté
par courrier préalable auprès de la préfecture, le modèle suivant peut être
suggéré :
M........
Je
vous invite à vous présenter le .... à l'adresse suivante muni de
-
la présente convocation,
-
votre passeport et votre CNI,
pour
examen de situation
Le
même modèle pourrait être utilisé pour les cas où l'APRF n'est pas encore
notifié mais où l'IQTF dûment notifiée est expirée.
Dans
tous les cas, il importe que la préfecture effectue réellement l'examen de
situation et qu'elle conserve des éléments probants de la realité de cet examen
; cette démonstration conditionne la régularité de la procédure.
Annexe 2
Les contrôles
d'identité
visant les
occupants des logements-foyers et des centres d'hébergement
Les
ressortissants étrangers peuvent être logés ou hébergés dans des structures
juridiquement différentes telles que les logements-foyers régis par
l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation et dans
des centres d'hébergement, CHRS et CADA. Ces différences de statut sont sans
incidence au regard de l'application des règles de procédure pénale relatives à
l'interpellation.
Ces
divers établissements seront désignés par le terme « local » dans les
développements ci-dessous.
La
sur-occupation de certains locaux accueillant à des titres divers des
ressortissants étrangers constitue une source de risques majeurs pour l'ordre
et la sécurité publics.
La
présente fiche résume les conditions dans lesquelles les contrôles de la
régularité du séjour des occupants de ces locaux peuvent être diligentes.
1.1- Les règles du code de procédure pénale
a-
Les contrôles dits de « police judiciaire »
Ø article 78-2, alinéa 1, du
CPP :
Ce contrôle ne peut être effectué qu'en présence «
d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » que la personne a commis
ou tenté de commettre une infraction ou qu'elle se prépare à en commettre une
ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête
ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par l'autorité judiciaire.
Ø article 78-2, alinéa 2, du
CPP :
Ce contrôle d'identité doit être autorisé par des
réquisitions écrites du procureur de la République. Il peut être exercé envers
toutes les personnes se trouvant dans un lieu public déterminé (par exemple les
abords d'un logement-foyer ou d'un centre d'hébergement) et pendant une période
de temps délimitée par le magistrat.
b-
Les contrôles dits de « police administrative »
Ø
article
78-2, alinéa 3, du CPP :
Ce contrôle ne peut être effectué que pour
prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes
et des biens. Ce risque d'atteinte à l'ordre public, qui doit être sérieux et
actuel, doit être caractérisé par des circonstances particulières qui ne
sauraient être constituées par la seule présomption d'infraction à la
législation sur les étrangers.
1.2- Les règles spécifiques aux ressortissants étrangers
Ø
article
L. 611-1, alinéa 1, du CESEDA :
Ce contrôle porte sur les pièces ou documents
sous le couvert desquels les ressortissants étrangers sont autorisés à circuler
en France.
Il ne peut être mis en œuvre qu'envers des personnes
pour lesquelles il existe un critère objectif d'extranéité.
Il peut s'agir, par exemple, de la circonstance que
la personne contrôlée entre ou sort d'un local affecté au logement ou à
l'hébergement des ressortissants étrangers.
La
nature du lieu ne détermine pas la nature du contrôle d'identité pouvant être
réalisé. Elle conditionne par contre les conditions de pénétration et
d'intervention des services répressifs.
II.1- Aux abords des locaux.
Sur
la voie publique, les services de police et de gendarmerie peuvent procéder à
des contrôles d'identité selon les distinctions évoquées au I.
II.2- Dans les locaux.
a-
Dans les espaces collectifs (qu’ils soient ou non des ERP)
Les
services répressifs peuvent y pénétrer :
Ø
Avec
l'autorisation (c'est à dire l'assentiment exprès) du gestionnaire du
foyer ;
Ø
Sans
son autorisation :
- à l'occasion des enquêtes diligentées en
flagrance,
- dans le cadre d'une enquête préliminaire avec
autorisation expresse du juge des libertés et de la détention,
- sur commission rogatoire délivrée par un juge
d'instruction.
b- Dans les espaces privatifs (appartements, chambres et parties communes des
« unités de vie » lorsque le local est ainsi organisé)
Ces lieux sont assimilés à des domiciles. Les
services répressifs peuvent donc y pénétrer :
Ø
Avec
l'autorisation de l'occupant ;
Dans cette hypothèse, si l'occupant ouvre sa porte,
un contrôle d'identité peut être
mis en œuvre selon les distinctions évoquées au I.
La constatation de la présence à son domicile d’un
étranger identifié sur le registre du local (dans les CHSR et CADA) ou signalés
par une fiche de police et visé par une mesure d'éloignement permet de présumer
l'infraction de séjour irrégulier.
Ø
Sans
son autorisation,
- à l'occasion des enquêtes diligentées en
flagrance,
- dans le cadre d'une enquête préliminaire avec
autorisation expresse du juge des libertés et de la détention
- sur commission rogatoire délivrée par un juge
d'instruction.
c- Cas particulier des vérifications opérées
par des huissiers de justice sur réquisition du juge judiciaire
Un huissier de justice peut être commis par le juge
judiciaire aux fins de procéder dans les locaux à un constat aux fins d'établir
la présence de tiers occupants sans titre. L'huissier est habilité à s'assurer
de l'identité des personnes et peut les inviter à quitter les lieux privatifs.
Cette procédure judiciaire peut être accompagnée
d'une opération de contrôle d'identité réalisée par les services de police
selon les distinctions énoncées au I.
[1] Cette règle a été affirmée par la Cour de cassation en
ces termes : « en vertu des
articles 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 et 136.du
code de procédure pénale, il appartient au juge saisi par le préfet en
application de l'article 35 bis de l'ordonnance
du 2 novembre 1945 [articles L.552-1 à L.552-8 du code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile], de se prononcer, comme gardien de la liberté individuelle et sans que
sa décision préjuge la validité de l'arrêté de reconduite à la frontière, sur
l'irrégularité, invoquée-par l'étranger, de l'interpellation »(Civ.
28 juin 1995, req. n°94-50002, M.BECHTA).
[2] Art. L. 611-1. - En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1°) du code de procédure pénale (...).
[3] Art 76 du CPP : Les perquisitions, visites
domiciliaires et saisies de pièces à conviction ne peuvent être effectuées sans
l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu.
Cet assentiment doit faire
l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ou, si celui-ci ne
sait écrire, il en est fait mention au procès verbal ainsi que de son
assentiment.
Les dispositions prévues par
les articles 56 et 59 (premier alinéa) sont applicables. Si les nécessités de
l'enquête relative à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée
égale ou supérieure à cinq ans l'exigent, le juge des libertés et de la
détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la
République, décider, par une décision écrite et motivée, que les opérations
prévues au présent article seront effectuées sans l'assentiment de la personne
chez qui elles ont lieu. A peine de nullité, la décision du juge des libertés
et de la détention précise la qualification de l'infraction dont la preuve est
recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels ces opérations peuvent
être effectuées ; cette décision est motivée par référence aux éléments de fait
et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont
effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se
déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.
Ces opérations ne peuvent, à
peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des
infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention.
Toutefois, le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
[4] Art. 78. - Les personnes convoquées par un officier de
police judiciaire pour les nécessités de l'enquête sont
tenues de comparaître.
L'officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force
publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les
personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut
craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation.
Les personnes à rencontre
desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont
commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le
temps strictement nécessaire à leur audition.
L'officier de police
judiciaire dresse procès-verbal de leurs déclarations. Les agents de police
judiciaire désignés à l'article 20 peuvent également, sous le contrôle
d'un officier de police judiciaire, entendre les personnes convoquées.
Les procès-verbaux sont dressés dans les conditions prévues par les articles 62 et 62-1.