Subventions du Val-de-Marne : le cas Coallia (ex AFTAM )

 [mise à jour du 2/7/2013 : article repris partiellement sur le site de l’association anticor , section du val-de-Marne ]

Un sujet qui, comme on le verra plus loin, n’est pas sans rapport avec notre commune de Fresnes.

Quelques 40 millions d’euros de subventions publiques

C’est en étudiant la politique de subvention de la ville de Fresnes ( sans en avoir le détail ) , que je me suite intéressé ensuite aux subventions du conseil général du Val-de-Marne : j’ai ainsi découvert qu’en 2011 , une des plus fortes subventions accordées par le Conseil Général  l’a été à l’association Coallia .

Coallia ( ex AFTAM ) a donc reçu environ 1, 5 millions d’euros de subventions du conseil général en 2011 (1 519 325 euros exactement), environ 4 millions de l’état, et au total une quarantaine de millions d’euros de subventions publiques. ( source : rapport 2011 sur les comptes du Groupe Coallia , publié au journal officiel) .

Subventions publiques reçues par l'association Coallia.

Subventions publiques reçues par l’association Coallia (ex AFTAM)

Notons enfin que le département du val-de-marne s’est porté garant de plusieurs emprunts faits par Coallia.

Le subventionnement est un des moyens utilisés par l’État pour aider la construction de du logement social, domaine dans lequel intervient Coallia. Ce subventionnement peut-être délégué à des collectivités territoriales ( source : Direction de l’information légale et administrative) .

Coallia ou plutôt : le groupe Coallia

Si Coallia se présente parfois de manière simplifiée comme une association ( « Coallia anciennement l’Aftam, a été fondée en 1962. Tout au long de son histoire, cette Association a diversifié son activité » ) , les faits sont légèrement plus compliqués .

Le Groupe Coallia est en fait constitué :

  • d’une association, appelée formellement « Coallia Association » dans le rapport sur les comptes du Groupe, association à but non lucratif,  qui reçoit à ce titre les subventions publiques. Le rapport des comptes nous apprend également : « le montant des rémunérations des trois plus hauts dirigeants salariés [de l’association]  versées en 2011 est de 346 091 € » ( une association à but non lucratif peut parfaitement rémunérer, de manière encadrée, ses dirigeants) . Si on suppose que la somme est équitablement répartie entre ces trois dirigeants, l’association à but non lucratif, subventionnée massivement par des fonds publics, les rémunèrerait donc à hauteur de plus de 9 000 euros par mois. ( à titre de comparaison un président de conseil général perçoit une indemnité mensuelle brute d’enviton 5 550 euros, (source))
  • d’une série de sociétés (privées , capitalistiques donc) :
    • Coallia Habitat (SA de HLM à conseil d’administration) . En France, le « parc » des habitations à loyer modéré (HLM) est géré d’une part par des organismes publics (OPH : Office Public d’Habitat) et d’autre part par des sociétés privées comme Coallia Habitat : des ESH ( Entreprise Sociale d’Habitat , auparavant appelées SA HLM) : « Une ESH fonctionne comme une entreprise privée avec les mêmes impératifs d’équilibre financier. Mais l’aspect social impose que les profits restent dans l’entreprise et qu’ils soient volontairement limités. La priorité d’une ESH est la réalisation de sa mission sociale » (source : fédération nationale des ESH )
    • SAILPI (Société Anonyme à Conseil d’Administration)
    • Pavillon Girardin (SA à Conseil d’Administration)
    • et SCI l’Orangerie (Société Civile Immobilière)
Structure du Groupe Coallia

Structure du Groupe Coallia (source : rapport sur les comptes du Groupe)

Le rapport nous liste les liens financiers  entre les différentes entités . Ainsi, par exemple l’association Coallia loue des immeubles à Coallia Habitat.

On pourra lire ici un excellent article expliquant les contraintes juridiques qui encadrent la « filialisation » d’une association sans but lucratif : « Association et société  » , juritel. On y lit par exemple :

(…) Une association est un organisme sans but lucratif et la filialisation ne doit pas lui permettre de réaliser indirectement une activité commerciale et de tourner ainsi les règles qui s’imposent à elle. C’est pourquoi la prise de participation par une association dans une société commerciale ne s’opère pas sans un certain nombre de contraintes tant sur le plan juridique, fiscale que sociale.. (…). Il est donc préférable de choisir comme associé et à fortiori comme dirigeant des personnes qui ne sont pas impliquées dans l’administration de l’association (…) Association et société commerciale obéissent à deux logiques de gestions et de développements différentes. La prise de participation d’une association dans une société n’est pas une démarche naturelle et doit nécessairement s’accompagner du respect des contraintes ci-dessus définies.

On pourra lire également à ce sujet un papier de 2004, plutôt technique, intitulé « ASSOCIATIONS ET ENTREPRISES COMMERCIALES DES RAPPORTS COMPLEXES ET AMBIGÜS»

Coallia et la ville de Fresnes

Pour l’anecdote, le Groupe n’est pas sans relation avec Fresnes puisque son directeur financier est un maire adjoint de la commune ( source : organigramme de Coallia,  rapport d’activités 2011, page 30 ), M. Philippe Pallier, qui s’en ouvre ainsi sur son site personnel :

Je me rappelle de l’équilibre que représentât pour moi en mars 2008 l’obtention du poste de directeur financier au sein d’une association oeuvrant dans le domaine de l’habitat social adapté, de l’hébergement social et médico-social. Après 20 ans d’exercice dans le secteur privé marchand, c’était mettre mon expérience professionnelle au service d’une noble cause, redonner du sens à une activité professionnelle qui me décevait par son objectif exclusivement centré sur le profit, ignorant de la responsabilité sociétale qui incombe aussi aux entreprises.

il existe aussi  un établissement de formation Coallia à Fresnes. ( établissement qui dispense d’ailleurs des formations au conseil général du val de marne, subventionneur, on l’a vu, de l’association)

Les activités de Coallia : historiquement l’hébergement de travailleurs immigrés

Les actions de l’association Coallia « sont orientées vers l’accueil, l’hébergement, les actions éducatives et de formation, les actions d’intégration d’assistance et d’accompagnement social des personnes et des familles » (source)

Les actions de Coallia (ex AFTAM) sont historiquement  le logement social des travailleurs immigrés ( AFTAM : « Association pour l’accueil et la Formation des Travailleurs Migrants » ou « Association pour la Formation des Travailleurs Africains et Malgaches » selon les sources)

Cependant, la formulation des statuts de Coallia laisse une possibilité d’actions dans de nombreux domaines :  Coallia  » peut se fédérer à tout organisme (…) poursuivant des buts analogues ou parallèles  »

Coallia, extrait des statuts 2012

Coallia, extrait des statuts 2012

Coallia présente ainsi ses valeurs :

la dignité humaine. (…)

le respect de l’autre et la reconnaissance des différences ; (…)

l’action associative. Les associations sans but lucratif ont un rôle propre à jouer face aux problèmes de société.(…)

Un rapport du haut comité pour le logement des personnes défavorisés nous donne une version plus terre-à-terre  des activités de l’association :

L’AFTAM est le deuxième opérateur du secteur [des foyers de travailleurs migrants = FTM ], et le seul, avec ADOMA [ex SONACOTRA] , à disposer d’une implantation nationale.
L’association a été créée en 1962 et s’est spécialisée dans l’accueil des immigrés sub-sahariens [maliens essentiellment] dont la SONACOTRA ne voulait pas assurer la prise en charge, préférant rester centrée sur sa mission fondatrice d’accueil des travailleurs algériens ou magrébins.
L’AFTAM a réalisé des chambres à lits multiples c’est-à-dire des dortoirs de 5 à 10 lits au détriment d’une individualisation du logement, là encore avec des sanitaires et des cuisines (appelées « tisaneries ») réparties au niveau de chaque étage.
Dans l’esprit des fondateurs de l’AFTAM, cette forme d’habitat devait maintenir le noyau villageois, répondant à l’attente de ces travailleurs qui avaient vocation à retourner
vivre au pays..
(…)
L’AFTAM gère près de 20 000 places réparties entre 58 FTM (11 887), 56 résidences sociales (7 277) et 12 maisons relais (247).

On retrouve là les liens historiques entre notre département et les travailleurs migrants maliens (voir l’article consacré à la SADEV 94 « Cuba, le Mali et la Cité Saint-Exupéry de Fresnes » ), et donc le lien avec les subventions à Coallia du Conseil Général .

D’ailleurs , en mars 2013, la SADEV 94 annonce vendre à Coallia, dansle cadre du programme  » Ivry Confluences « , un terrain à Ivry pour construire un foyer.

Tout cela devient difficile à suivre pour un citoyen qui s’intéresse à l’usage de l’argent public : la SADEV 94, société d’économie mixte, détenue majoritairement par la département du Val-de-Marne, vend un terrain à Coallia, par ailleurs subventionnée par le conseil général du Val-de-Marne, qui lui même est client de Coallia pour des formations !

Des relations difficiles entre Coalla et ses résidents

Dans le cas de travailleurs migrants logés dans des foyers, on parle de résidents et non pas de locataires, car le droit habituel des baux de locations ne s’applique pas. On ne parle alors pas strictement  de loyer, mais de redevance, etc, etc. On en apprendra plus sur service-public.fr

Les relations entre l’AFTAM ( Coallia)  et les associations de résidents des foyers semblent particulièrement tendues comme on peut le voir ici (Drame du Hessel …) ou encore là  sur le site d’un collectif de résidents , le copaf, en conflit sur la question du règlement intérieur des foyers, de l’état de certains logements , des modalités d’augmentation des loyers ( ou plutôt des redevances), comme on le lit dans la série de documents du copaf : (il s’agit là de revendications qui existent depuis l’origine des foyers de travailleurs migrants)


Salle de bains du foyer aftam d'Epinay sur Seine, détruit en 2011.  photo S.leban  . Plus d'information sur rue89

Salle de bains du foyer aftam d’Epinay sur Seine, détruit en 2011. photo S.leban . Plus d’information sur rue89

La sociologue Mireille Galano a de longue date étudié les conditions d’hébergement des travailleurs migrants dans son ouvrage « Les immigrés hors la cité : le système d’encadrement dans les foyers (1973-1982) »  . On peut y lire son analyse sur les premiers règlements intérieurs des foyers : (note : il ne s’agit pas des règlement actuellement en vigueur)

Les immigrés hors la cité: le système d'encadrement dans les foyers (1973-1982) Par Mireille Ginesy-Galano

Les immigrés hors la cité: le système d’encadrement dans les foyers (1973-1982) Par Mireille Ginesy-Galano

La sociologue explique ici l’origine de tels règlements draconiens , origine qui remonte à l’époque de la guerre d’Algérie.

Enfin, on pourra lire ci-dessous un document plus récent (février 2013) , compte-rendu d’une mission de l’Assemblée Nationale sur l’hébergement des immigrés âgés, où le directeur général de Coallia et le collectif des résidents ( copaf) s’expriment à tour de rôle .

En voici quelques extraits :

Pour la Copaf

(…). En Île-de-France, les foyers de Coallia, d’Adoma, et de l’ADEF, administrés de manière extrêmement opaque, sont très mal entretenus et mal réparés. Les espaces collectifs et parties communes de ces foyers – tels que leurs petites salles ou leurs escaliers – sont malheureusement occupés par des squatteurs sans argent qui, loin d’être aimables avec les personnes âgées qui y résident, les bousculent ou les volent

Pour Coallia

M. Jean Marie Oudot :
Reconnaissons qu’en tant que locataires d’un appartement en ville, nous admettrions difficilement que quelqu’un entre chez nous pour vérifier qui habite avec nous. Les associations de défense des immigrés expriment une gêne face à nos règlements intérieurs qui, conformément à la loi, prévoient la déclaration à l’accueil de tous les habitants occasionnels. À titre personnel, je ne serais pas opposé à la modification du décret, mais dans ce cas les gestionnaires ne seraient plus responsables des conditions d’occupation des établissements.(…)

On y notera également l’intervention d’une représentante des droits de l’homme  (note : les gestionnaires dont il est question sont ces fameuses ESH : Entreprise Sociale d’Habitat):

(…) nous avons débattu de l’alignement des droits des résidents sur celui des locataires : il est anormal qu’un résident qui ne paie pas son loyer après avoir passé toute sa vie dans un foyer s’en trouve expulsé parce que le contrat de résidence strictement appliqué pour des montants d’impayés souvent peu élevés ne prévoit aucune garantie équivalente à celles dont bénéficient les locataires victimes d’accidents de la vie, tels que le deuil familial ou les difficultés passagères.(…)

La multiplication des procédures d’expulsion des foyers est un phénomène nouveau qui résulte de la volonté des gestionnaires d’équilibrer leur budget

Un dossier particulièrement complexe donc